A la bonne heure ! Dr Adrian CHABOCHE. Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°61




Hypnose et psychanalyse... Les débats et oppositions, savamment entretenus dans une écriture à tendance conflictuelle, nous feraient oublier ou taire ce qu’il y a de commun et de synergique entre les deux. Il ne s’agirait pas ici de tenter, vainement, de discriminer ce qu’il y a de plus ou moins efficace arguant du temps de thérapie pour l’un, ou de l’efficacité sur le symptôme et non la cause pour l’autre. Autant comparer et opposer une orchidée à une rose tout en oubliant que les deux peuvent montrer une même couleur sous des nuances différentes... Mais quid de ce qu’il y a de résonnant, commun, et certainement d’une possibilité de l’une à l’autre dans le mouvement thérapeutique d’un patient ?

Car Alexandre, ancien acteur devenu entrepreneur, lui, est allé aux deux. Longuement sur le divan confortable d’un « grand lacanien », comme on dit, puis des années après sur un fauteuil moelleux d’un thérapeute utilisant l’hypnose. Je le rencontre à ce titre pour régler des problèmes de crises d’angoisse récurrentes. Elles vont et viennent, parfois redoutables, faisant appeler le Samu. Surtout quand il s’agit de son père. Enfin, des liens entre lui et son père. Mais ce n’est pas oedipien, qu’on se le dise ! Non, vraiment pas. C’est uniquement dans le travail. Oui, car Alexandre travaille avec son père... Pas qu’avec, d’ailleurs. Il ordonne et Alexandre suit. Il faut dire qu’ayant 55 ans, il a eu le temps de s’habituer aux exactions peu tendres de son paternel. Bon. Admettons qu’il y ait un peu de scènes oedipiennes là-dedans. Certes. Mais Alexandre, s’il en a beaucoup dit à ce sujet sur le divan analytique, il fait face à ses angoisses sans savoir qu’en faire. Il vient me voir, trouver une présence pour l’accompagner.

Un peu de loin au début, avec parcimonie. Me dit-il tout ? Certainement pas, car ce n’est qu’au gré de nos rencontres successives qu’il s’ouvre un peu plus. Comme si c’était une façon de s’ancrer dans le présent. D’être là sans avoir à être dans un passé qui n’en finit pas de se redire. Grand bien lui fasse, car depuis quelque temps et quelques séances d’hypnose, pas tellement finalement, il n’a plus vu de crises d’angoisse venir. Non, aucune. Que s’est-il passé ? Une séance en particulier ? Non. Un changement d’une situation immobile, figée dans le temps, dans la répétition, à un mouvement, thérapeutique donc puisqu’il répond à une de ses demandes : la fin des crises d’angoisse. Alors, que dire de plus ? Que vient-il encore chercher ? A se rassurer, certainement un peu, en finir avec la plainte dirait quelqu’un que l’on connaît bien. François Roustang justement disait à ce propos que « le thérapeute est un peu notaire. Il acte, écrit, notifie et valide ». Alexandre vient vérifier, valider. Il lui arrive d’être un peu en retard, comme moi. Il lui arrive aussi de louper une séance, mais s’excuse après...

Mais ce jour-là... Des retards, parlons-en ! Notre espace de travail en tant que thérapeute est indissociable (le comble pour quelqu’un qui pratique l’hypnose, me direz-vous) du temps : un espace-temps. Dans ce cadre, tout ce qui va se passer, se faire, se dire et se montrer sont des faits cliniques. Nous nous rappelons comme Erickson pouvait observer, bien sûr avant la moindre parole, tout ce qui se joue dans le para-verbal et la communication physique. L’espace-temps de ce cadre est un espace de créativité et de découverte qui autorise le patient à ce qu’il se produise quelque chose. A condition que le thérapeute en soit le provocateur. Et parfois cela se fait malgré nous ! Un retard vient vite dans une journée avec des imprévus... Lorsque j’ouvre la porte de la salle où Alexandre se prépare à sa séance, j’ai au compteur 10 à 15 minutes de retard. Je le vois lever les yeux, s’estomaquer d’un « ah ! eh bien ! ». Nous voilà donc déjà en pleine séance !

Je l’observe s’installer. D’une posture inhabituelle, on pourrait étendre du linge sur les tensions qui émanent de son corps et de ses mouvements. Du linge sale à laver ? Possiblement. « Ah ! vraiment ce retard, ça ne va pas ! ça m’insupporte ! » Alors il me vient de réagir, de me rappeler des deux séances dont il avait « oublié » de me prévenir qu’il ne viendrait pas. Et dans cet échange qui prend, disons à tout casser, 20 secondes, je me dis qu’il se passe quelque chose, un fait clinique.

Je lui demande de quelle colère il s’agit ? Quelques fractions de secondes, on peut observer ses yeux alors se décentrer, regarder quelque part là-bas, se perdre dans des pensées, et dans son esprit certainement des images, des souvenirs, des sensations, dont je pense qu’il est en présence consciente. L’instant d’un court moment où ce qu’il y a d’inconscient s’adresse directement à nous, dans notre cadre, grâce à ce contexte de retard. Juste ce jour-là. Les autres jours ne comptent pas, nous n’y étions pas. Le rendez-vous du patient avec lui-même avait lieu aujourd’hui. Le rideau s’ouvre l’espace d’un instant pour laisser entrapercevoir ce qu’on devine avec mystère depuis toutes ces séances.

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ADRIAN CHABOCHE Spécialiste en médecine générale et globale au Centre Vitruve. Il est praticien attaché au Centre de traitement de la douleur CHU Ambroise-Paré. Il enseigne au sein du DU Hypnoanalgésie et utilisation de techniques non pharmacologiques dans le traitement de la douleur, Université de Versailles.

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N°61 Mai, Juin, Juillet 2021

Dossier : Ecothérapie et F. Roustang

- Edito: Créativité et résonance. Julien Betbèze, rédacteur en chef

- Peur de prendre l’avion. Technique des mains de Rossi. Corinne Paillette, médecin

- Remise en mouvement. Les techniques hypnotiques du « mine de rien ». Marie-Clotilde Wurz de Baerts, psychologue clinicienne

- Le pouvoir de la dissociation. Corps et trauma. Gérald Brassine, psychothérapeute


- Urgences radiologiques. Le récit de ma vie de grande sensible. Kathy Prouille, manipulatrice en électrocardiologie

- La plume et le masque. Histoire de masques, de vagues et de web-conférences par temps de pandémie. Olivier de Palézieux, médecin urgentiste

Douleur douceur
- Edito. Gérard Ostermann, médecin

- Automaticité et neurosciences. Carolane Desmarteaux, neuropsychologue et Pierre Rainville, directeur du laboratoire de neuropsychologie-physiologie de la douleur de Montréal

- Syndromes d’Ehlers – Danlos. Errance du douloureux chronique. Sylvie Colombani-Claudel, médecin anesthésiste réanimateur et Blandine Rossi-Bouchet, orthophoniste

Dossier Ecothérapie autour de François Roustang

- Edito : Réintroduire un imaginaire centré sur la coopération. Julien Betbèze

- François Roustang et l’écothérapie. Il suffit de se sentir vivant. Virginie Coulombe, psychologue clinicienne

- Hypnose et crise écologique. La transe, renouveau anthropologique. Nicolas Bichot, psychologue clinicien

- Hypnose et narcissisme. La métaphore au service de la relation. Alexia Morvan, docteur en chirurgie dentaire

Rubriques : 

- Quiproquo, malentendu et incommunicabilité : Résonance. Stefano Colombo, psychiatre, illustration Mohand Chérif Si Ahmed, psychiatre

Les champs du possible : A la bonne heure ! Adrian Chaboche, spécialiste en médecine générale et globale

Culture monde : Ces songes qui guérissent. Les rites d’incubation d’Hyderabad à Epidaure. Sylvie Le Pelletier-Beaufond, médecin-psychothérapeute.

Les grands entretiens : Chantal Wood, pédiatre. Par Gérard Fitoussi, médecin

Illustrations : Geneviève Marot



Laurent GROSS est: - Vice-Président de France EMDR-IMO® - Président et Formateur en Hypnose… En savoir plus sur cet auteur

Rédigé le 31/08/2021 à 00:49 | Lu 1009 fois | 0 commentaire(s) modifié le 23/10/2021
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