Christopher PRIEST, Le glamour


Compte-rendu de Christine Guilloux



Christopher Priest , Le glamour , Editions Denoël,
 Lunes d’encre, Paris, 2008

Comment se souvenir de sa vie d’avant, de sa vie d’avant l’attentat à la voiture piégée, un attentat de l’IRA ? Comment ne pas se laisser piéger par ces faux vrais souvenirs ou ces vrais faux souvenirs créés par ce que peu- vent raconter les autres, ceux de sa vie d’avant ? Richard Grey se remet peu à peu dans une clinique où il est gardé en/au secret par le gouvernement britannique.

Amnésie partielle et paramnésie. Le psychiatre propose, avec beaucoup de précautions, des séances d’hypnose. Une première séance a lieu, pour partie décrite, laissant place à toutes les hypothèses. Richard ne se souvient que du bien-être de l’état de transe et de l’une de ses hallucinations négatives (« vous serez incapable de la voir ») et il ne voit pas l’assistante du médecin, il la fait « disparaître ». Il a écrit une page de banalités de transit en aéroport, il a baragouiné en français. Le psychiatre laisse exprimer une surprise, un étonnement, un bouleverse- ment même, suite à cette séance d’hypnose, bien plus profonde qu’il n’eût imaginé, et qui échappe à son contrôle. Il semble qu’il y ait emboîtements, imbrications de transe chez le cameraman mais également chez lui-même et son assistante. Le médecin et son assistante entrent eux aussi en transe profonde, le médecin interrompt la séance puis s’aperçoit qu’il ne voyait plus Richard Grey. Le médecin et son assistance avaient perdu le patient !
Richard Grey tisse et retisse l’histoire de son voyage en France avec son ancienne nouvelle petite amie, Sue, et les démêlés de celle- ci avec son ancien amant, Niall. Elle lui raconte une autre histoire, d’autres histoires. Souvenirs tronqués, entremêlés racontés par les différents protagonistes de la narration. S’y égarer, s’y perdre, s’y confondre. L’hypnose pour retrouver quelle mémoire ?

Etranges phénomènes où l’hypnose et la mémoire ont certes leur rôle, étranges phénomènes que nous vous laisserons découvrir à loisir où l’hypnose n’est qu’un prétexte au thème de l’invisibilité, principal moteur narratif du roman... Qui n’est pas ou ne devient pas invisible aux yeux des autres ? Qui sait se faire disparaître ? Niall est l’éternel absent dans une omniprésente inquiétante. Sue apprend tant bien que mal à se rendre visible, désapprend l’invisibilité. Richard Grey échappe aux tirs de balle dans ces reportages, en plein feu de l’action, comme si n’apparais- sait pas dans le champ de mire des – miraculeusement ? - .
Christopher Priest, souvent présenté comme un maître en littérature spéculative, se fait romancier de la souffrance sociale. Il rend hommage à L’homme invisible de H.G.Wells jusqu’au vertige. Son ouvrage, remanié, réécrit et réédité plusieurs fois depuis 1984 – 1984, ouvrage de George Orwell, qui nous rappelle d’autres inquiétants climats sociaux -, d’abord intitulé Le don, est à resituer dans le contexte de son époque, la Grande-Bretagne des années Thatcher avec ses violences sociales et ses affrontements en Irlande du Nord. Etre invisible, c’est être ignoré socialement, en quelque sorte. Etre invisible, c’est aussi, pour les marginaux et les plus démunis, exclus des systèmes de protection sociale, un moyen de se permettre de survivre en volant à l’étalage, en espionnant et en faisant intrusion dans la vie des uns et des autres. Etre invisible, c’est aussi se faire mutant, doué de capacités nouvelles et extraordinaires.
Parallèles et métaphores entre l’invisibilité, la disparition sociétale et l’hypnose. L’on de- vient invisible lorsque l’observateur, le regard de l’autre, « le Pouvoir » nous ignore. Nous sommes tous des fictions, nous fabriquons tous des fictions. « Chaque rencontre nous sert de prétexte pour projeter si possible une image de nous qui plaira à notre interlocuteur ou qui l’influencera d’une manière ou d’une autre. »
Que faire pour exister au regard de l’autre à l’heure où la visibilité médiatique est plus que prônée ? Le glamour ?
Christopher Priest nous lais- serait-il sur notre faim dans cette apparente contradiction puisque le glamour, le glammer est un sortilège utilisé par les jeunes filles pour cacher la beauté de leur fiancé à leurs autres prétendants ? S’afficher ou ne pas s’afficher ? Séduire ou ne pas séduire ? De quel(s) don(s) avons-nous besoin ?
 
 




Laurent GROSS est: - Vice-Président de France EMDR-IMO® - Président et Formateur en Hypnose… En savoir plus sur cet auteur

Rédigé le 14/12/2016 à 12:48 | Lu 886 fois | 0 commentaire(s) modifié le 07/09/2017
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