Hypnose et méditation. Mindfulness ou pleine conscience.


Propos recueillis par le Dr Olivier DE PALÉZIEUX.
Diplôme universitaire et méditation d’aujourd’hui, par Jean Sixou.



Le Dr Jean Sixou est chef du pôle de Psychiatrie adulte de l’EPS Barthélemy- Durand. Il y a trois ans, il a créé avec son équipe un programme de formation continue d’initiation au mindfulness, dans une démarche globale de prévention des risques psychosociaux de l’établissement dans lequel il travaille. Ce programme a été récompensé en 2018 par la FHF qui a décerné à son équipe le prix « coup de coeur » dans la 6e édition du prix de l’Innovation en ressources humaines. En 2017, il est à l’origine de la création du Diplôme universitaire de Mindfulness à l’université Paris-Sud Saclay.

Pouvez-vous nous parler des objectifs de votre DU ?
Dr Jean Sixou : Le DU de Mindfulness est une formation à la méditation de pleine conscience ou « mindfulness », à la fois théorique et pratique de plus de 100 heures ; il est avant tout destiné à des professionnels de santé. Il s’agit pour ces praticiens de faire l’apprentissage des techniques de base de la pleine conscience et de leurs indications en psychiatrie, médecine, chirurgie et prévention. Il s’agit aussi de développer l’utilisation du mindfulness dans la gestion du stress dans le domaine professionnel, et pour l’épanouissement de la personnalité dans son ensemble.

Quel premier bilan faites-vous après un an d’existence ?
Un bilan très positif du retour des participants qui ont manifesté un vif intérêt pendant les cours et le souhait que cette formation se poursuive dans le temps. Nous espérons, dans un avenir plus ou moins proche, mettre en place avec d’autres intervenants un centre de formation qui permettrait une poursuite des échanges avec les étudiants que nous avons commencé à former.

Vous parlez de « mindfulness », comment la situer par rapport aux autres termes ?
Le mot occidental « méditation » évoque un approfondissement, voire un dépassement de la pensée discursive avec une note de sacralité, ainsi qu’une dimension thérapeutique. Le mot anglais « mindfulness » signifie « être attentif à » et désigne un état attentionnel. Le terme « pleine conscience » est une traduction française intéressante mais inexacte. Il faut aussi remonter aux termes sanskrits ou chinois qui évoquent et décrivent la conscience dans ses états les plus avancés (« samadhi » ou « satori ») et les techniques qui permettent d’y parvenir. Il est très difficile pour notre culture moderne d’avoir des mots aussi appropriés que ceux des textes anciens des différentes culture de l’Asie. Mais ce n’est pas cela qui est le plus important pour la pratique.

Vous vous situez dans une perspective résolument clinique ?
Oui, car nous présentons les différents protocoles de soins qui utilisent la méditation et en particulier l’approche mindfulness. Nous abordons aussi les liens de la méditation avec d’autres pratiques telles que l’hypnose notamment. Comme vous l’avez mentionné, mon premier programme de formation continue a remporté un prix en 2018, mais nous nous situons dans une continuité d’innovation des pratiques. En témoigne le travail de ma collègue Marine Colombel dans la prise en charge du burn-out, dont vous parlez aussi dans votre thématique.

Depuis quand pratiquez-vous la méditation ?
Depuis l’âge de 15 ans, j’ai choisi cette méthode sans doute pour passer un cap. Je l’ai associée à la pratique des arts martiaux que j’ai commencée à la même époque…

Pourtant vous êtes psychiatre en institution, avec des patients lourds, et vous m’avez dit que ce n’est que récemment que vous avez introduit la méditation à l’EPS Barthélemy-Durand...
C’est exact, mais j’ai tout de même pratiqué la méditation depuis fort longtemps avec certains patients. Peut-être d’une façon plus discrète... Car jusqu’en 2010 environ, la transmission de ces techniques était plutôt confidentielle, surtout pour un psychiatre des hôpitaux. Et plus secrète parfois que notre vie privée. Heureusement, aujourd’hui tout à bien changé grâce aux recherches cliniques et neuroscientifiques effectuées outre-Atlantique qui ont levé bien des tabous. Pourtant il y a seulement quelques années, j’ai été très étonné quand ma directrice, Madame Marie-Catherine Pham, m’a proposé de mettre en place un groupe d’initiation au mindfulness pour les personnels soignants et non-soignants de l’hôpital. J’ai trouvé cette demande assez courageuse à l’époque, et surtout innovante et anticipatoire.

La méditation est-elle vraiment laïcisée et détachée du bouddhisme ?
Vous savez, il y a beaucoup de méprise à ce sujet. La méditation est bien antérieure au bouddhisme, les textes les plus anciens connus remontent à 500 avant J.-C. avec le yoga sutra de Patanjali, et on retrouve des traces de pratiques méditatives dans la culture chinoise ancienne et dans les cultures dravidienne ou tamoule qui sont en Inde très antérieures au bouddhisme. A cette époque déjà, comme je l’ai dit, il existait une grande connaissance des divers états de la conscience. Ce n’est qu’au XIXe siècle que des voyageurs ont ramené au monde occidental la connaissance de ces pratiques, jugées alors superstitieuses car non chrétiennes. L’introduction de ces techniques dans le domaine médical ne s’est faite que très progressivement et silencieusement, jusqu’à ce que dans les années 1980, Jon Kabat-Zinn standardise la pratique de la méditation pour mieux la proposer à ses patients, et surtout pour en étudier les effets cliniques de façon scientifique. Il aura fallu attendre une trentaine d’années pour qu’elle arrive en Europe comme un raz-de-marée médiatique, et dans un pays comme la France en particulier qui ne voyait en elle jusque-là qu’une pratique bizarre et en général plutôt liée à des organisations sectaires. Par la suite, la tendance s’est inversée et plusieurs DU ont pu se développer dans diverses facultés de médecine.

Mais justement, vous avez créé je crois le dernier DU en France. Qu’apportez-vous de plus que le premier qui s’est mis en place à Strasbourg, le DU de Médecine, Méditation et Neurosciences ?
Ce DU fondé par le Dr Jean-Gérard Bloch est essentiellement basé sur la MBSR. C’est une introduction à cette technique qui permet par la suite de poursuivre dans la ligne voulue par Jon Kabat-Zinn. C’est un protocole très codifié et dont la formation reste assez longue. Beaucoup de collègues sont passés par cette formation, qui a été mise en place en 2012. Dans le DU de Paris-Sud, nous proposons une formation indépendante des grands protocoles, mais cependant beaucoup plus proche du MBCT qui est une technique bien développée en France et actuellement représentée par Zindel Segal. Notre approche qui est un peu différente est aussi très liée à la troisième vague des TCC et aux neurosciences. Le praticien qui s’y inscrit peut espérer acquérir de nouveaux outils thérapeutiques pour ses patients et pour lui-même, et ainsi obtenir de meilleurs résultats dans sa pratique psychothérapique ou soignante et, qui sait, dans sa vie personnelle.

Quelle est, dans cette ouverture non dogmatique, votre position par rapport à l’hypnose ?
La méditation m’a amené à la pratique de l’hypnose, alors qu’habituellement beaucoup de thérapeutes en hypnose viennent par la suite à la méditation. En fait, si l’hypnose reste une thérapie ouverte, la méditation va beaucoup plus loin vers la connaissance de soi ou du Soi, qui, comme le disait Milton Erickson, est un énorme réservoir de ressources. La connaissance de soi est essentielle pour un thérapeute. Erickson n’a pas pratiqué la méditation telle que nous la concevons aujourd’hui, mais sa maladie lui a permis de développer une grande connaissance de lui-même et d’une certaine manière l’a obligé à pratiquer une forme de méditation qui est certainement à l’origine de son exceptionnelle efficacité thérapeutique. Quand on pratique la méditation, je pense que l’on peut comprendre et aborder l’hypnose avec plus d’efficacité, car on peut acquérir une meilleure compréhension des mécanismes du fonctionnement de notre esprit. Il ne faut pas, comme le font certains, opposer la méditation et l’hypnose, ce n’est pas très intéressant…. Pour lire la suite...

Dr Jean SIXOU Psychiatre et chef du pôle de Psychiatrie adulte de l’EPS Barthélémy-Durand à Etampes. Il est à l’origine du Diplôme universitaire de Mindfulness de l’université Paris-Sud. Il a pratiqué plusieurs formes de méditation depuis l’âge de 15 ans telles que hatha yoga, soto zen et qi gong. Diplômé de l’Ecole des hautes études en Santé publique (master 2 Management des établissements de santé), en Acupuncture, en Thérapies cognitivo-comportementales, et instructeur MBCT. Egalement formé en Training autogène, il a longtemps pratiqué et enseigné les arts martiaux.



Laurence ADJADJ est Présidente de l'Institut de Formation Hypnotim à Marseille PACA, Présidente… En savoir plus sur cet auteur

Rédigé le 20/05/2020 à 13:14 | Lu 1513 fois | 0 commentaire(s) modifié le 22/09/2020
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