Crédit Photo © Cerdà
Chères lectrices, chers lecteurs, L’hypnose n’a pas toujours eu la même image dans nos esprits. Fermez les yeux un instant, et laissez le mot résonner dans votre esprit, libre d’imaginer à quoi cela ressemble. Peut-être vous souviendrez-vous de ce patient particulier, sans savoir pourquoi lui particulièrement au moment où il jaillit dans votre esprit fugace. On est toujours surpris de ce qu’un si petit espace contient et expose à notre conscience si volatile et distractible. A peine vous plongez- vous dans cette chronique que l’on vous demande d’imaginer. Là où se mêlent alors nos propres images teintées de souvenirs et d’un soupçon de création, on en revient à un patient, l’air apaisé, les paupières détendues sur des yeux fermés qui semblent regarder les différentes directions d’une guérison, autant qu’un enfant s’émerveille à courir dans tous les sens d’un jardin qu’il découvre. Allongé, peut-être assis, et même un peu entre les deux. C’est une belle image. Que nous aimons cultiver jusqu’à ce qu’elle devienne évidente, habituelle, spontanée.
Deux êtres humains, l’un en accueille un autre. Le premier souffre et s’en remet au second qui suppose dans son esprit pouvoir l’aider. Ça fonctionne bien. Depuis qu’un chirurgien écossais a décrit ce patient être comme endormi devant la lueur brillante d’une bougie, l’Histoire colporte cette idée, finalement assez jeune, moins de deux cents ans, qu’un patient en hypnose l’est dans un colloque singulier qui revêt cette configuration dans le cabinet paisible d’un thérapeute.
Pourtant qui a dit que l’hypnose doit se pratiquer assise, demi-allongée ou même allongée ? Et qu’il n’y faudrait qu’une personne face au patient ? Non, vous me répondrez que dans votre image mentale, on peut y voir aussi des collègues prodiguant des soins infirmiers, ou bien un chirurgien opérer. Certains même pourraient voir Gaston Brosseau faire ses nano-inductions, rappelant à quel point l’hypnose peut se faire dans une mise à nu, dépouillée de tout rituel. Mais pour ceux qui ne l’ont pas encore vue à l’oeuvre (je vous encourage à regarder de suite ses vidéos afin d’être troublé), et ceux qui l’ont déjà vue, vous savez déjà comme il vient percuter avec une habileté canadienne nos schémas et représentations... Il y avait bien aussi notre cher défunt et regretté ami suisse Gérard Salem pour nous exposer à des situations d’hypnose rocambolesque, racontant comme devant un aréopage de médecins chinois au sein d’un grand hôpital, on lui avait demandé de calmer un patient agité. En mandarin. Et le voilà devant tous, et sans filet d’anticipation, se mettre en mirroring avec ce patient psychiatrique jusqu’à ce qu’un accordage se fassepar la mimétisation de ses mouvements désorganisés afin de le ramener au calme.
Alors donc, il n’y aurait qu’en France que nous ne resterions si doctes par rapport à un stéréotype de l’hypnose ? Bien sûr, mon propos est aussi caricatural que je souhaite bousculer vos idées face à nos confortables habitudes. Il y a bien des aventuriers de l’esprit dans nos contrées qui s’efforcent d’aller voir là où nous n’allons pas spontanément. Car l’exploration des différentes transes, ou état de conscience non ordinaire, c’est peut-être la façon la plus écologique et humaniste de découvrir notre monde plutôt que d’envoyer des fusées sur une terre aride martienne, non ? Contrairement à nos représentations un peu usées, voyons d’autres horizons.
Et pourquoi pas, à plusieurs ? En effet, au bloc, à l’hôpital, pour des soins, on peut être à plusieurs. Souvent aussi en ville, on travaille « à plusieurs » car le patient peut rencontrer différents praticiens pour sa santé. Mais dans notre aventure, ici, je ne parle pas d’empiler les pratiques, ce que l’on a trop tendance à faire je crois. Mais de pluridisciplinarité synchrone. Comment des pratiques, bien différentes, pourraient-elles interagir sous l’effet d’une démarche de soins coordonnée volontairement autour du patient ? Alors, il y a Emma, qui est en convalescence pour un coude fracturé. Cette jeune femme, sportive, pleine d’émotions et de vie, ne s’en remet pourtant pas. Après une banale chute, et une fracture de cette petite partie du coude, l’olécrane, la chirurgie s’est pourtant bien déroulée, autant qu’on le lui souhaiterait. Et pourtant. Plus de trois mois après, Emma ne peut étendre son bras complètement. C’est certes une complication fréquente de cette fracture.
Mais dans son cas, la raideur persiste, la rééducation stagne. Elle s’en plaint. Bien sûr, nous pourrions ne voir son corps et sa fracture que sous le prisme d’une médecine physique, mécanique. Ou bien, on peut lui parler. La laisser parler, et l’écouter. Beaucoup. Jusque, finalement assez vite, elle évoque sa grand-mère. Tant aimée. Décédée il y a un an. Des suites de complications au décours d’une fracture du coude. Faut-il en faire une étude scientifique randomisée pour entendre que certaines de nos émotions peuvent avoir un impact sur notre corps ? Vous me rassurez. Je la vois en accompagnement, et nous faisons de l’hypnose. Elle voit aussi un confrère que je connais bien pour des séances d’ostéopathie. Soyons fous. Heu, pardon... Soyons scientifiques. Que peutil se passer si nous traitons cette patiente, non pas en hypnose et en ostéopathie de façon consécutive et séparée, mais... en même temps. Une sorte d’évidence.
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Deux êtres humains, l’un en accueille un autre. Le premier souffre et s’en remet au second qui suppose dans son esprit pouvoir l’aider. Ça fonctionne bien. Depuis qu’un chirurgien écossais a décrit ce patient être comme endormi devant la lueur brillante d’une bougie, l’Histoire colporte cette idée, finalement assez jeune, moins de deux cents ans, qu’un patient en hypnose l’est dans un colloque singulier qui revêt cette configuration dans le cabinet paisible d’un thérapeute.
Pourtant qui a dit que l’hypnose doit se pratiquer assise, demi-allongée ou même allongée ? Et qu’il n’y faudrait qu’une personne face au patient ? Non, vous me répondrez que dans votre image mentale, on peut y voir aussi des collègues prodiguant des soins infirmiers, ou bien un chirurgien opérer. Certains même pourraient voir Gaston Brosseau faire ses nano-inductions, rappelant à quel point l’hypnose peut se faire dans une mise à nu, dépouillée de tout rituel. Mais pour ceux qui ne l’ont pas encore vue à l’oeuvre (je vous encourage à regarder de suite ses vidéos afin d’être troublé), et ceux qui l’ont déjà vue, vous savez déjà comme il vient percuter avec une habileté canadienne nos schémas et représentations... Il y avait bien aussi notre cher défunt et regretté ami suisse Gérard Salem pour nous exposer à des situations d’hypnose rocambolesque, racontant comme devant un aréopage de médecins chinois au sein d’un grand hôpital, on lui avait demandé de calmer un patient agité. En mandarin. Et le voilà devant tous, et sans filet d’anticipation, se mettre en mirroring avec ce patient psychiatrique jusqu’à ce qu’un accordage se fassepar la mimétisation de ses mouvements désorganisés afin de le ramener au calme.
Alors donc, il n’y aurait qu’en France que nous ne resterions si doctes par rapport à un stéréotype de l’hypnose ? Bien sûr, mon propos est aussi caricatural que je souhaite bousculer vos idées face à nos confortables habitudes. Il y a bien des aventuriers de l’esprit dans nos contrées qui s’efforcent d’aller voir là où nous n’allons pas spontanément. Car l’exploration des différentes transes, ou état de conscience non ordinaire, c’est peut-être la façon la plus écologique et humaniste de découvrir notre monde plutôt que d’envoyer des fusées sur une terre aride martienne, non ? Contrairement à nos représentations un peu usées, voyons d’autres horizons.
Et pourquoi pas, à plusieurs ? En effet, au bloc, à l’hôpital, pour des soins, on peut être à plusieurs. Souvent aussi en ville, on travaille « à plusieurs » car le patient peut rencontrer différents praticiens pour sa santé. Mais dans notre aventure, ici, je ne parle pas d’empiler les pratiques, ce que l’on a trop tendance à faire je crois. Mais de pluridisciplinarité synchrone. Comment des pratiques, bien différentes, pourraient-elles interagir sous l’effet d’une démarche de soins coordonnée volontairement autour du patient ? Alors, il y a Emma, qui est en convalescence pour un coude fracturé. Cette jeune femme, sportive, pleine d’émotions et de vie, ne s’en remet pourtant pas. Après une banale chute, et une fracture de cette petite partie du coude, l’olécrane, la chirurgie s’est pourtant bien déroulée, autant qu’on le lui souhaiterait. Et pourtant. Plus de trois mois après, Emma ne peut étendre son bras complètement. C’est certes une complication fréquente de cette fracture.
Mais dans son cas, la raideur persiste, la rééducation stagne. Elle s’en plaint. Bien sûr, nous pourrions ne voir son corps et sa fracture que sous le prisme d’une médecine physique, mécanique. Ou bien, on peut lui parler. La laisser parler, et l’écouter. Beaucoup. Jusque, finalement assez vite, elle évoque sa grand-mère. Tant aimée. Décédée il y a un an. Des suites de complications au décours d’une fracture du coude. Faut-il en faire une étude scientifique randomisée pour entendre que certaines de nos émotions peuvent avoir un impact sur notre corps ? Vous me rassurez. Je la vois en accompagnement, et nous faisons de l’hypnose. Elle voit aussi un confrère que je connais bien pour des séances d’ostéopathie. Soyons fous. Heu, pardon... Soyons scientifiques. Que peutil se passer si nous traitons cette patiente, non pas en hypnose et en ostéopathie de façon consécutive et séparée, mais... en même temps. Une sorte d’évidence.
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Dr Adrian CHABOCHE
Spécialiste en médecine générale et globale au Centre Vitruve. Il est praticien attaché au Centre de traitement de la douleur CHU Ambroise- Paré. Il enseigne au sein du DU Hypnoanalgésie et utilisation de techniques non pharmacologiques dans le traitement de la douleur, Université de Versailles.