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Un lâcher de ballon bien étrange. Dr Adrian CHABOCHE, Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°65




« La transmission de pensée ne peut être simplement accidentelle. Quelques gens disent que je deviens crédule en vieillissant, mais je ne le pense pas. J’ai simplement appris toute ma vie à accepter des faits nouveaux, humblement. » Sigmund FREUD à Cornelius TABORI (1935)

Chères lectrices, chers lecteurs, On parle souvent des patients, bien sûr. Mais on oublie souvent les praticiens. Ces femmes et hommes qui un jour se lancent dans la découverte de l’hypnose. Arpentant alors des livres, des récits de situations cliniques, ils en devinent subrepticement les curieuses manifestations comme un voile qu’on lève devant des ombres chinoises.
Pourquoi d’ailleurs ?

Qu’est-ce qui les pousse, qu’est-ce qui nous a tous poussés à aller vers l’hypnose ?
Par quel mystère notre inconscient nous a-t-il encore une fois joué un tour, à aller oser ce qui relève plus d’une grande aventure que d’une technique savamment maîtrisée ?

Intrigués, nous nous y aventurons avec autant de curiosité que d’une excitation parfois fantasmée de quelques peurs. Mettre un pied dans cette exploration nous expose grandement à beaucoup d’inconnu ! D’un côté il y a toutes ces questions et inconnues non résolues, et de l’autre vous aurez remarqué comme Erickson nous a livré une oeuvre qui en est elle aussi remplie, là où on se serait attendu à ce qu’il délivre des réponses et des vérités.
Pourquoi ? On suppose, de façon assez pertinente, que cela a été fait très volontairement en âme et conscience afin de laisser le savoir dans une forme de liberté sans cadre dogmatique.

En effet, l’hypnose, comment l’apprend-on ?

Lire des livres est évidemment une expérience indispensable élevant notre intellect. Ce sont des Savoirs fondamentaux qui organisent et structurent notre pensée et nos raisonnements. Mais que dire du savoir-faire du praticien en hypnose ? C’est un agir si particulier et distinct des autres techniques utilisant elles aussi des formes d’état de transe qui ne se trouve qu’auprès du patient dans le colloque singulier qui se fait avec le praticien, au fil des séances réalisées. Et dans cet espace thérapeutique, il y a cette présence de l’un et de l’autre. Physique tout d’abord, et psychique évidemment. Une rencontre faite de visible et d’invisible, de dicible et d’implicite, animant ce jeu d’ombres chinoises montrant par des mots ou des gestes ces choses enfouies dans la psyché. On scrute, aux aguets, ce que nos yeux voient et nos oreilles entendent. C’est ce qu’il y a de visible.

Tel que Carl Gustav Jung l’a subodoré, on peut aussi percevoir concrètement ce qui se passe de moins visible comme un dialogue inconscient entre deux. Et dans cet espace, si nous étions déjà surpris de ce que l’on a découvert initialement dans l’hypnose, on va l’être encore davantage au gré de ces rencontres avec nos patients. C’est là que celui qui est censé savoir, en tant que sachant qui a appris une technique, un savoir-faire, redevient un apprenant, un découvreur, qui est surpris et étonné ! Paula s’est lancée dans l’hypnose par cette impulsion si profonde qu’on ne la devine que dans le regard au début perdu durant les premières heures de cours, qui se transforme peu à peu en certitude d’être là au bon endroit pour elle-même. Elle est infirmière dans un grand centre hospitalier et a la chance d’ouvrir une consultation douleur. Opportunité teintée donc d’un défi : la douleur chronique qu’elle découvre avec tout ce qu’elle a de vertigineux et complexe. Les patients douloureux chroniques sont comme transpercés d’un mal qui ébranle tout leur édifice physique et psychique et qui touche alors à la structure même de la personne.

Son passé, sa construction, ses épreuves vécues et traversées se nouent avec un présent douloureux, laminant. Alors Paula, de ce qu’elle connaissait jusque-là, mais poussée par cette envie thérapeutique, met un pied un peu plus loin vers cet inconnu, indicible et parfois invisible, surprenant. Une patiente atteinte de douleurs chroniques aux yeux vient la voir dans le cadre de sa consultation. Elle souffre depuis longtemps. Ce sont les premières séances d’hypnose « en vrai » que Paula réalise en dehors des sessions de formations. On se rappelle alors tous comme nous étions si pris, si investis d’une fraîcheur étonnante, mus par la nouveauté et la volonté de bien faire lors de nos premières séances. Quel impact cela a-t-il sur cet espace de travail entre le conscient et l’inconscient de deux individus ? Parfois il se passe des choses bien étranges. Nous en avons tous fait aussi l’expérience... Paula continue donc sa séance d’hypnose avec cette patiente, se triturant les méninges pour essayer de trouver les bonnes ressources pour l’aider. En formation je l’avais bien encouragée à laisser venir les images spontanées qui peuvent apparaître à notre esprit. Et lui vient l’idée d’un ballon. Simplement. Il est vrai que c’est un exercice qu’on fait assez souvent en formation, le ballon qui se gonfle ou se dégonfle entre les mains, dans un protocole idéomoteur assez classique. Mais là ce n’est pas l’objet de la séance avec la patiente.

Non, juste, à un moment, lui vient l’image d’un ballon. Et de lui dire « allez, vous pouvez lâcher ce ballon ». Qu’elle ne fût pas sa surprise, voire sa stupéfaction, lorsque la patiente s’éveillant ensuite, sereine, calme, une larme glissant sur sa joue, lui dit :…


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Dr ADRIAN CHABOCHE

Un lâcher de ballon bien étrange. Dr Adrian CHABOCHE, Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°65
Spécialiste en médecine générale et globale au Centre Vitruve. Il est praticien attaché au Centre de traitement de la douleur CHU Ambroise- Paré. Il enseigne au sein du DU Hypnoanalgésie et utilisation de techniques non pharmacologiques dans le traitement de la douleur, Université de Versailles.

Sommaire de la Revue Hypnose & Thérapies Brèves n°65

. Julien Betbèze, rédacteur en chef, éditorial : « Créer des liens »

. Jean-Marc Benhaiem nous invite à ne pas nous focaliser sur le symptôme mis en avant dans la demande thérapeutique : il s’agit plutôt de chercher à mobiliser l’énergie bloquée dans d’autres symptômes apparemment secondaires, et ainsi de désorganiser les rigidités pathologiques et amener le changement. Une clinique pleine de sagesse !

. Sophie Tournouër utilise le questionnement centré solution pour défaire les addictions sexuelles conjuguées à la prise de produits psychoactifs. Le déroulé du verbatim nous permet de saisir la logique interne aidant les individus à se libérer de cette pratique asservissante du « chemsex ».

. Mady Faucoup Gatineau nous prend par la main pour rencontrer Théo, un rebelle de 5 ans qui fait sa loi et sème la zizanie dans la famille. Nous découvrons l’utilité de la TLMR (thérapie du lien et des mondes relationnels) pour construire un cadre familial sécure dans lequel chacun va pouvoir retrouver sa place.

Dossier thématique : Histoires et métaphores
. Alicia Mangeot nous raconte des métaphores « sur mesure », favorisant ainsi des changements de comportement en rapport avec les intentions relationnelles des patients. Elle nous donne plusieurs exemples d’utilisation stratégique de métaphores (bibliothèque, cercles relationnels, mille-pattes) favorisant la coopération dans la séance, et la réalisation des tâches indirectement proposées.

. Virginie Serrière exprime une grande finesse dans son appropriation du questionnement narratif : à travers l’animation d’ateliers d’écriture, elle témoigne de la possibilité pour chacun de redevenir auteur de sa vie.

. Marie-Clotilde Wurz-de Baets nous montre sa créativité dans l’utilisation du langage métaphorique pour induire une transe de réassociation chez une jeune femme confuse après une rupture sentimentale.

. Espace douleur douceur
. Gérard Ostermann, éditorial : « Autour de la douleur »

. Stéphane Graf nous montre l’importance de ne pas se focaliser sur le symptôme mis en avant dans la plainte, mais d’intégrer la douleur dans l’unité corporelle.

. Stéphanie Delacour, dans un cas de dyspareunie, met aussi en évidence la pertinence de ne pas centrer la thérapie sur le symptôme, et de percevoir le lien entre la douleur et la rupture d’homéostasie. Grâce à sa prise en charge et à la remise en place de compétences émotionnelles et relationnelles, la patiente va retrouver une vie plus sécure avec une nouvelle relation à son corps.Dans cette période de sortie de la Covid, où les salles obscures se remplissent à nouveau, Sophie-Isabelle Martin et David Simon revisitent pour nous la technique de la salle de cinéma pour travailler avec des patients douloureux ayant très peu de protection. Les interactions sont très bien décrites, avec les multi-dissociations permettant de travailler en sécurité. Un exemple clinique illustre cette pratique avec pédagogie pour que chacun puisse s’approprier cette technique.

. Sophie Cohen expose un cas de bruxisme lié à des croyances limitantes autour des combats de la vie. Après une régression en âge, la patiente pourra retrouver son regard émerveillé de petite fille devant la photo d’une forêt et retrouver ainsi calme intérieur et détente.

. Christine Allary nous emmène en mission humanitaire et nous fait partager la conduite d’une séance d’hypnose faite en traduction simultanée avec le chirurgien. Elle décrit avec précision les effets de cette technique novatrice et fédératrice pour les participants.

. Serge Sirvain décrit une situation clinique émouvante dans laquelle il est amené à mettre en place une sédation terminale chez une patiente de 93 ans atteinte d’une tumeur digestive invasive. Il explique comment la position de non-savoir et l’imaginaire partagé autour d’une métaphore culinaire vont accompagner un endormissement terminal apaisé et en relation.

Et nos rubriques
. Nicolas D’Inca : culture monde « Une perceptude venue du désert ».
. Adrian Chaboche : Les champs du possible « Un lâcher de ballon bien étrange ».
. Sophie Cohen, nouvelle rubrique : bonjour et après « Clémentine et la chaleur qui fait fondre la plaque ».
. Stefano Colombo et Muhuc : Quiproquo… « Métaphores »

Crédit Photo: © Caroline Manière




Rédigé le 02/02/2023 à 15:37 | Lu 1080 fois | 0 commentaire(s) modifié le 02/02/2023

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