Chères lectrices, chers lecteurs, L’hypnose a connu nombreuses cabales et diverses critiques récurrentes. Certaines intéressantes bien sûr, afin de faire progresser la réflexion. Mais « l’attaque » qui démontre la plus grande méconnaissance malheureusement de ce qu’est l’hypnose est celle de dire qu’il ne s’agirait que de suggérer au patient ce qu’il a à faire. De penser que l’état hypnotique (la transe, la veille paradoxale...) serait à lui seul suffisant pour laisser une perméabilité telle dans l’esprit humain que de simples bons mots auraient alors l’effet d’atteindre facilement la guérison.
Un état, un mot, une phrase, alors tout se ferait. Fantasme naïf (ou tout puissant ?) de penser que la psyché humaine serait aussi simplement accessible, en oubliant que les résistances ne sont pas là comme un code de carte bleue pour empêcher d’y accéder. Ce sont des édifices bien équilibrés qui sont reflets de la construction d’un individu. Et sur celles-ci le praticien parfois se heurte. « Il ne veut pas, il me met en échec », entendons-nous dire. Mais dans cette situation, ne serait-ce pas plutôt le praticien qui se heurte au patient ? « L’hypnose c’est facile, avec une formation d’une semaine, je sais faire. » Ah ! parce que ce serait juste la technique qui fait le savoir-faire thérapeutique ? Heureusement, non.
La plus grande confusion que provoque l’hypnose c’est de laisser croire que ce sont les suggestions qui font le travail. Et ce sont bien le survol et l’ignorance qui renforcent cette idée. Quiconque s’aventure au-delà des préjugés se rend compte que ce qu’on appelle la suggestion est en fait, à bien des égards, un art à part entière. Un art, oui, car il s’agit de techniques précises que l’on peut apprendre, mais qui ne sont rien sans un savoir-faire qui doit laisser place à la créativité du praticien. On fait régulièrement la distinction entre suggestion directe, indirecte et les métaphores, ce qui a le mérite de donner des repères lors de l’apprentissage. Trouver de « bonnes suggestions » est considéré comme difficile pour de nombreux praticiens. Il faut créer des phrases, des mots qui s’agencent, avoir une stratégie sous-jacente... Alors les métaphores représentent souvent une sorte d’eldorado dont de nombreuses littératures se vantent de donner des recettes toutes faites qui soignent. Des histoires faciles, qui montrent la situation et la solution en même temps. C’est séduisant. Ou rassurant. Une sorte de prêt-à-porter de la suggestion thérapeutique, là où il y a nécessité de faire du sur-mesure.
Et pourquoi ne pas s’autoriser à ne pas savoir, à sécher ? A douter ? A être imprécis ? A hésiter ? Ce « Champs du possible » est dédié à tous les praticiens qui vont oser, ne pas savoir mais vouloir, se taire pour ne pas dire trop, et laisser venir. Parce qu’alors nous serons toujours surpris, étonnés, du patient tout d’abord, et vous-même tout de suite après.
Jacques a 76 ans. Fringant retraité, quoique un peu dépressif sur les bords. Surtout depuis qu’il fait une expérience inédite en comparaison à sa carrière de dirigeant d’une très grande agence de communication : pas grand-chose. Il va certes à des conférences, des cours de philosophie, mais donne beaucoup l’impression de s’ennuyer. Pas l’ennui créatif, mais celui qui expose un individu à une fatigue existentielle. Un creux creusant sans que rien n’en sorte. Mélancolique ? Tout de même pas, non. Mais inquiet, angoissé. L’était-il avant en « gouvernant » (selon ses propres dires) ses salariés et nombreuses équipes ? Oui, très probablement, mais ses angoisses étaient bien transformées en créativité. Maintenant il y a de la place, de l’espace pour toutes ces pensées qui vont se préoccuper de nombreux sujets autrefois jamais considérés avec attention. Par exemple, le sommeil. Enfin ce n’est pas juste un exemple, car c’est ce qui le pousse à me consulter. « Je ne dors pas. Avant (comme si cette notion n’existait que d’un maintenant qui n’a pas de futur), avant donc, je dormais sans problème. 6-7 heures quand je travaillais. Maintenant je tourne dans mon lit, je me réveille la nuit. Tout le temps. Ça m’épuise. Je pense que je perds la boule. »
Jacques ne sait pas que le sommeil est un organe, même si on ne peut pas le toucher. Impalpable et mystérieux, il est pour autant très organisé et vivant. Il change d’ailleurs au cours de notre vie, et heureusement nous ne dormons plus comme « un bébé » qui passe quand même entre 18 et 20 heures à dormir. Mais après 60-65 ans disons, le sommeil peut aussi se fragmenter, se raccourcir et ce n’est pas nécessairement pathologique (tant qu’on le vit bien). Odieux paradoxe où lorsque nous aurions souhaité nous satisfaire de 5 ou 6 heures par nuit pour joindre tous les bouts d’une vie parentale et professionnelle, il nous fallait nos 8 heures. Et voilà que maintenant retraité, j’ai tout le temps pour dormir, mais que je peux me satisfaire de 6 heures en deux fois, ce qui laisse de nombreuses heures à ne plus savoir quoi faire... La vie est une ironie.
Pour lire la suite et commander la revue...
Un état, un mot, une phrase, alors tout se ferait. Fantasme naïf (ou tout puissant ?) de penser que la psyché humaine serait aussi simplement accessible, en oubliant que les résistances ne sont pas là comme un code de carte bleue pour empêcher d’y accéder. Ce sont des édifices bien équilibrés qui sont reflets de la construction d’un individu. Et sur celles-ci le praticien parfois se heurte. « Il ne veut pas, il me met en échec », entendons-nous dire. Mais dans cette situation, ne serait-ce pas plutôt le praticien qui se heurte au patient ? « L’hypnose c’est facile, avec une formation d’une semaine, je sais faire. » Ah ! parce que ce serait juste la technique qui fait le savoir-faire thérapeutique ? Heureusement, non.
La plus grande confusion que provoque l’hypnose c’est de laisser croire que ce sont les suggestions qui font le travail. Et ce sont bien le survol et l’ignorance qui renforcent cette idée. Quiconque s’aventure au-delà des préjugés se rend compte que ce qu’on appelle la suggestion est en fait, à bien des égards, un art à part entière. Un art, oui, car il s’agit de techniques précises que l’on peut apprendre, mais qui ne sont rien sans un savoir-faire qui doit laisser place à la créativité du praticien. On fait régulièrement la distinction entre suggestion directe, indirecte et les métaphores, ce qui a le mérite de donner des repères lors de l’apprentissage. Trouver de « bonnes suggestions » est considéré comme difficile pour de nombreux praticiens. Il faut créer des phrases, des mots qui s’agencent, avoir une stratégie sous-jacente... Alors les métaphores représentent souvent une sorte d’eldorado dont de nombreuses littératures se vantent de donner des recettes toutes faites qui soignent. Des histoires faciles, qui montrent la situation et la solution en même temps. C’est séduisant. Ou rassurant. Une sorte de prêt-à-porter de la suggestion thérapeutique, là où il y a nécessité de faire du sur-mesure.
Et pourquoi ne pas s’autoriser à ne pas savoir, à sécher ? A douter ? A être imprécis ? A hésiter ? Ce « Champs du possible » est dédié à tous les praticiens qui vont oser, ne pas savoir mais vouloir, se taire pour ne pas dire trop, et laisser venir. Parce qu’alors nous serons toujours surpris, étonnés, du patient tout d’abord, et vous-même tout de suite après.
Jacques a 76 ans. Fringant retraité, quoique un peu dépressif sur les bords. Surtout depuis qu’il fait une expérience inédite en comparaison à sa carrière de dirigeant d’une très grande agence de communication : pas grand-chose. Il va certes à des conférences, des cours de philosophie, mais donne beaucoup l’impression de s’ennuyer. Pas l’ennui créatif, mais celui qui expose un individu à une fatigue existentielle. Un creux creusant sans que rien n’en sorte. Mélancolique ? Tout de même pas, non. Mais inquiet, angoissé. L’était-il avant en « gouvernant » (selon ses propres dires) ses salariés et nombreuses équipes ? Oui, très probablement, mais ses angoisses étaient bien transformées en créativité. Maintenant il y a de la place, de l’espace pour toutes ces pensées qui vont se préoccuper de nombreux sujets autrefois jamais considérés avec attention. Par exemple, le sommeil. Enfin ce n’est pas juste un exemple, car c’est ce qui le pousse à me consulter. « Je ne dors pas. Avant (comme si cette notion n’existait que d’un maintenant qui n’a pas de futur), avant donc, je dormais sans problème. 6-7 heures quand je travaillais. Maintenant je tourne dans mon lit, je me réveille la nuit. Tout le temps. Ça m’épuise. Je pense que je perds la boule. »
Jacques ne sait pas que le sommeil est un organe, même si on ne peut pas le toucher. Impalpable et mystérieux, il est pour autant très organisé et vivant. Il change d’ailleurs au cours de notre vie, et heureusement nous ne dormons plus comme « un bébé » qui passe quand même entre 18 et 20 heures à dormir. Mais après 60-65 ans disons, le sommeil peut aussi se fragmenter, se raccourcir et ce n’est pas nécessairement pathologique (tant qu’on le vit bien). Odieux paradoxe où lorsque nous aurions souhaité nous satisfaire de 5 ou 6 heures par nuit pour joindre tous les bouts d’une vie parentale et professionnelle, il nous fallait nos 8 heures. Et voilà que maintenant retraité, j’ai tout le temps pour dormir, mais que je peux me satisfaire de 6 heures en deux fois, ce qui laisse de nombreuses heures à ne plus savoir quoi faire... La vie est une ironie.
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Dr ADRIAN CHABOCHE
Spécialiste en médecine générale et globale au Centre Vitruve. Il est praticien attaché au Centre de traitement de la douleur CHU Ambroise-Paré. Il enseigne au sein du DU Hypnoanalgésie et utilisation de techniques non pharmacologiques dans le traitement de la douleur, Université de Versailles.
Revue Hypnose & Thérapies brèves n°59
N°59 : novembre/décembre 2020/janvier 2021
Cinq scripts créatifs détaillés
- Edito : Julien Betbèze
- L’hypersuggestibilité. Au service de l’hyposuggestibilité. Dominique Megglé
- Script créatif détaillé : 20 minutes pour se libérer du tabac. Hypnose en médecine générale. Françoise Barthès
- Script créatif détaillé : Du trauma à la résilience. Par la thérapie du lien et des mondes relationnels. Stéphane Roy
- Script créatif détaillé : La sphère relationnelle. Travailler la distance en hypnose. Corinne Paillette
- Nicolas de Staël : Peindre et se dépeindre. Franck Salzmann
Espace douleur
- Editorial. Gérard Ostermann
- Script créatif détaillé : Travail en hypnose avec des mineurs immigrés. Stéphanie Delacour
- Script créatif détaillé : Hypnose et handicap. Du traumatisme à la créativité. Christelle Lecellier
Dossier : Les soins palliatifs
- Editorial : Francine Hirszowski
- Les TAC en soins palliatifs. Jean Becchio et Sylvain Pourchet
- Psychomotricité. Bouger… je le veux. Patrick Martin
- Les techniques hypnotiques à l’hôpital de Bourg-en-Bresse. Vianney Perrin
- Infirmière en Ehpad. Valérie Etchevers
Rubriques
- Quiproquo… « Prenez soin de vous, Docteur » Stefano Colombo et dessin de Muhuc
- Les champs du possible : Docteur, je tiens à vous dire que je fais le poireau… Adrian Chaboche
- Culture du monde : Jeux de guérison dans le sud de l’Iran. Sylvie Le Pelletier-Beaufond
- Les grands entretiens : Stephen R. Lankton. Gérard Fitoussi
- Livres en bouche
Cinq scripts créatifs détaillés
- Edito : Julien Betbèze
- L’hypersuggestibilité. Au service de l’hyposuggestibilité. Dominique Megglé
- Script créatif détaillé : 20 minutes pour se libérer du tabac. Hypnose en médecine générale. Françoise Barthès
- Script créatif détaillé : Du trauma à la résilience. Par la thérapie du lien et des mondes relationnels. Stéphane Roy
- Script créatif détaillé : La sphère relationnelle. Travailler la distance en hypnose. Corinne Paillette
- Nicolas de Staël : Peindre et se dépeindre. Franck Salzmann
Espace douleur
- Editorial. Gérard Ostermann
- Script créatif détaillé : Travail en hypnose avec des mineurs immigrés. Stéphanie Delacour
- Script créatif détaillé : Hypnose et handicap. Du traumatisme à la créativité. Christelle Lecellier
Dossier : Les soins palliatifs
- Editorial : Francine Hirszowski
- Les TAC en soins palliatifs. Jean Becchio et Sylvain Pourchet
- Psychomotricité. Bouger… je le veux. Patrick Martin
- Les techniques hypnotiques à l’hôpital de Bourg-en-Bresse. Vianney Perrin
- Infirmière en Ehpad. Valérie Etchevers
Rubriques
- Quiproquo… « Prenez soin de vous, Docteur » Stefano Colombo et dessin de Muhuc
- Les champs du possible : Docteur, je tiens à vous dire que je fais le poireau… Adrian Chaboche
- Culture du monde : Jeux de guérison dans le sud de l’Iran. Sylvie Le Pelletier-Beaufond
- Les grands entretiens : Stephen R. Lankton. Gérard Fitoussi
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