Chères lectrices, chers lecteurs,
L’hypnose connaît un tel succès, une diffusion médiatique et scientifique jamais atteinte depuis que l’ensemble de la littérature médicale ait été recensée au début du XXe siècle.
Hypnose médicale et hypnothérapie se côtoient, rejoignant la recherche, les neurosciences et l’exploration de la conscience humaine. L’hypnose, héritage du magnétisme animal ancré dans notre culture de- puis la fin du XVIIIe siècle, va à la rencontre de la méditation et, plus largement, de l’étude millénaire des états de conscience modifiés dans les états de transe. Nous vivons une époque formidable... qui nous, praticiens de l’hypnose, nous expose à de grands défis. Des obstacles et des dangers sont sur notre route.
Les liens entre hypnose et médecine per- mettent la réhumanisation d’une médecine où la technique est un temps allée plus vite que l’accompagnement d’un être humain. Mais l’hypnose est alors parfois la réponse « miraculeuse » à ce que l’on ne sait plus faire : si chère à François Roustang, la présence. A force de vouloir être présent à l’hypnose pour répondre à une attente de la société, le risque est paradoxalement de ne pas l’être auprès du patient...
Florence vient me voir en consultation d’hypnose. Elle a aussi rendez-vous avec moi au Centre de traitement de la douleur à l’hôpital. Mais les délais sont trop longs, encore des mois à attendre. Et elle a mal. La douleur chronique est déjà destructrice, mais d’attendre pour sa douleur chronique l’est encore plus. Florence est une femme de 45 ans, mariée, trois enfants, très dynamique, souvent trop c’est vrai, un job trop prenant, du sport toujours de trop. En plus, elle s’est occupée jour et nuit de son père atteint d’une maladie musculaire neurodégénérative en l’accueillant chez elle jusque son dernier souffle. Flo- rence est courageuse, mais pas infaillible. Elle commence à craquer voilà un an et demi. Des premiers signes d’épuisement jusqu’à la dépression « normale » de cette surcharge globale, tant émotionnelle que physique. Des douleurs dans le corps apparaissent. Et très particulièrement dans la jambe droite. Dix médecins, thérapeutes, soignants, avis... Autant de médicaments différents. « On m’a dit finalement que j’étais fibromyalgique. Et dépressive. »
Sa vie est à l’arrêt : elle ne travaille plus, ne fait plus de sport, s’est éloignée de son mari. Elle a perdu dix kilos, la vie lui semble lointaine. D’elle-même ne reste qu’une image fantôme dont on lui donne une étiquette : fibromyalgie-dépressive. On l’adresse vers un centre spécialisé de la douleur en lui laissant comprendre que c’est le début d’une autre vie, ce qui est la fin de la sienne à ses yeux. Florence est faillible mais courageuse. Elle note tout, fait des tableaux récapitulatifs, présente à ses médecins, et à moi, des synthèses toutes écrites. Et toujours cette douleur asymétrique d’une jambe. Les praticiens n’aiment pas que les patients fassent ce qu’eux devraient faire... Alors Florence est une emmerdeuse qui dérange. « Allez faire de l’hypnose, ça sera mieux, merci, au revoir, je ne peux rien pour vous », comme une fausse humilité de ses praticiens qui la condamnent. Je la reçois et écoute son histoire. En hypnose on ne juge de rien, on accepte le patient dans sa globalité. Je la rejoins avec ses papiers, ses tableaux, et surtout sa souffrance. Sa jambe. Mais oui, « je ne la sens pas ». Il y a quelque chose qui cloche. Je ne sais où. Sa détermination ? Difficile à éclaircir, elle est dans un état moral, psy- chique et physique très altéré. Mais quelque chose me dérange.
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L’hypnose connaît un tel succès, une diffusion médiatique et scientifique jamais atteinte depuis que l’ensemble de la littérature médicale ait été recensée au début du XXe siècle.
Hypnose médicale et hypnothérapie se côtoient, rejoignant la recherche, les neurosciences et l’exploration de la conscience humaine. L’hypnose, héritage du magnétisme animal ancré dans notre culture de- puis la fin du XVIIIe siècle, va à la rencontre de la méditation et, plus largement, de l’étude millénaire des états de conscience modifiés dans les états de transe. Nous vivons une époque formidable... qui nous, praticiens de l’hypnose, nous expose à de grands défis. Des obstacles et des dangers sont sur notre route.
Les liens entre hypnose et médecine per- mettent la réhumanisation d’une médecine où la technique est un temps allée plus vite que l’accompagnement d’un être humain. Mais l’hypnose est alors parfois la réponse « miraculeuse » à ce que l’on ne sait plus faire : si chère à François Roustang, la présence. A force de vouloir être présent à l’hypnose pour répondre à une attente de la société, le risque est paradoxalement de ne pas l’être auprès du patient...
Florence vient me voir en consultation d’hypnose. Elle a aussi rendez-vous avec moi au Centre de traitement de la douleur à l’hôpital. Mais les délais sont trop longs, encore des mois à attendre. Et elle a mal. La douleur chronique est déjà destructrice, mais d’attendre pour sa douleur chronique l’est encore plus. Florence est une femme de 45 ans, mariée, trois enfants, très dynamique, souvent trop c’est vrai, un job trop prenant, du sport toujours de trop. En plus, elle s’est occupée jour et nuit de son père atteint d’une maladie musculaire neurodégénérative en l’accueillant chez elle jusque son dernier souffle. Flo- rence est courageuse, mais pas infaillible. Elle commence à craquer voilà un an et demi. Des premiers signes d’épuisement jusqu’à la dépression « normale » de cette surcharge globale, tant émotionnelle que physique. Des douleurs dans le corps apparaissent. Et très particulièrement dans la jambe droite. Dix médecins, thérapeutes, soignants, avis... Autant de médicaments différents. « On m’a dit finalement que j’étais fibromyalgique. Et dépressive. »
Sa vie est à l’arrêt : elle ne travaille plus, ne fait plus de sport, s’est éloignée de son mari. Elle a perdu dix kilos, la vie lui semble lointaine. D’elle-même ne reste qu’une image fantôme dont on lui donne une étiquette : fibromyalgie-dépressive. On l’adresse vers un centre spécialisé de la douleur en lui laissant comprendre que c’est le début d’une autre vie, ce qui est la fin de la sienne à ses yeux. Florence est faillible mais courageuse. Elle note tout, fait des tableaux récapitulatifs, présente à ses médecins, et à moi, des synthèses toutes écrites. Et toujours cette douleur asymétrique d’une jambe. Les praticiens n’aiment pas que les patients fassent ce qu’eux devraient faire... Alors Florence est une emmerdeuse qui dérange. « Allez faire de l’hypnose, ça sera mieux, merci, au revoir, je ne peux rien pour vous », comme une fausse humilité de ses praticiens qui la condamnent. Je la reçois et écoute son histoire. En hypnose on ne juge de rien, on accepte le patient dans sa globalité. Je la rejoins avec ses papiers, ses tableaux, et surtout sa souffrance. Sa jambe. Mais oui, « je ne la sens pas ». Il y a quelque chose qui cloche. Je ne sais où. Sa détermination ? Difficile à éclaircir, elle est dans un état moral, psy- chique et physique très altéré. Mais quelque chose me dérange.
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