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Hypnose en médecine générale. La consultation hypnotique


Par le Dr Morgan GODARD et le Dr Idrissa NDIAYE.



Hypnose en médecine générale. La consultation hypnotique

Le Dr Morgan Godard est Médecin généraliste, installé à Nantes. Formé au RIME (Institut Milton H Erickson de Rezé) en hypnose et thérapie intégratives.

Le Dr Idrissa N'Diaye est Médecin généraliste, installé à Port Saint Père (Loire Alantique). Formé au RIME (Institut Milton H Erickson de Rezé) en hypnose et thérapie intégratives. 
Les coordonnées du Dr Idrissa N'Diaye



Deux jeunes médecins généralistes récapitulent, sous la forme d’un monologue adressé à un patient, la place que l’hypnose a prise dans leur pratique quotidienne.

Tiens, Michel, je vois ton nom sur le planning. Nous avons rendez-vous tout à l’heure. Je suis ton médecin depuis plusieurs années. On se fait confiance... J’ai une faveur à te demander : j’aimerais que tu m’aides à parler de quelque chose qui a germé dans ma tête depuis quelque temps.

C’est l’idée que la consultation de médecine générale, c’est une transe hypnotique, d’une certaine manière.

Mon cher Michel, permets-moi exceptionnellement de te tutoyer pour offrir à nos lecteurs un regard éricksonnien de ce qui peut se jouer entre nous lors d’une consultation.

Quand le symptôme fait irruption, rompant le pattern du silence des organes, il est humain de porter une grande partie de son attention sur la douleur, le grain de beauté suspect, l’angoisse du soir qui nous taraude. C’est une focalisation de l’attention, bon point de départ à la transe...

Dès la prise de rendez-vous, tu fais une progression en âge, te projetant dans le futur. Celui de la consultation, où tu vas pouvoir me parler de ton problème. Mais tu sais te projeter bien plus loin dans le temps, avec ou sans ce nouveau symptôme, avec ou sans l’anxiété qui l’accompagne.

Il t’arrive même de te projeter tellement loin dans le futur que tu t’imagines déjà embarqué par Charon, Pluton et compagnie

Quelques jours passent, et te voici dans ma bien nommée salle d’attente. Tu entres dans ce cabinet que tu connais si bien. Tu reconnais le bruit de la sonnette au point même de ne plus la remarquer, sans remarquer que tu ne la remarques plus, comme ces hallucinations négatives parfois observées dans le confort d’une transe. Le bruit lointain de la rue, l’acoustique de la pièce, un air de jazz, la toux d’un congénère, la luminosité, le papier peint, ce luminaire un peu étrange, l’odeur incomparable de cet espace. Tu choisis une chaise, un peu raide mais elle fera l’affaire. C’est marrant, tu prends toujours celle-là. Tous tes sens te disent où tu es. Tandis que tu t’assois, ton VAKOG est en marche.

Tu t’y installes, ajustes ta position et hésites à emprunter une revue, mais le Paris Match pleurant Lady Di ou le vieil Auto Plus de 1998 ne t’attirent pas vraiment. Tu n’as pas très envie de voyager dans le passé aujourd’hui… Tu regardes ta montre. 12h 20. Bon, tu as bien fait de ne pas être trop en avance, tu vois que j’ai un peu de retard. A se demander si je ne le fais pas exprès ! Tu n’aimes pas trop attendre, mais ce temps trop long pour toi passe finalement assez vite. Activation du convecteur temporel… Tu fais tienne la distorsion du temps.

Dans ce flottement, tes yeux se posent sur une affiche vantant différents modes de contraception, de toutes les couleurs. Tu fixes sans trop y penser un stérilet rose, et ton esprit se met à battre la campagne.

Se mêlent des souvenirs, des idées, tu revisites les sujets que tu souhaites aborder avec moi et plein d’autres choses, j’en suis sûr. Et puis tu te méfies un peu aussi. Ton épouse – que je suis également – t’a raconté que je l’avais hypnotisée, et ça, tu trouves ça bizarre. Qu’elle fasse ce qu’elle veut, elle, toi tu n’es pas du tout client pour ce genre de fadaises, même si tu as remarqué que depuis quelques années, je suis un peu « différent ». Et cette manière que j’ai parfois de répondre sans répondre, par une métaphore, à côté de la plaque… Ou bien cette fois où je t’avais dit d’aller pêcher… Tu y penses sans y penser, et tes yeux restent fixés sur ce petit stérilet en forme d’ancre marine inversée, qui ancre en toi quelque chose qui t’appartient déjà. Je n’ai peut-être pas besoin de savoir ce que c’est mais tu t’y absorbes.

Tu t’y absorbes tellement que quand je viens te chercher dans la salle d’attente, tu as un petit temps de latence, habillé d’un sourire, comme si je te surprenais dans l’intimité de tes pensées.

Nous nous serrons la main, les yeux dans les yeux. Les poignées de main en disent si long. On s’accorde corporellement, avec plus ou moins de bonheur. Ta poignée de main est déjà une parole. Tout comme la mienne. Comme si la poignée de main était chargée d’intention, d’une demande. Mais de quoi as-tu besoin ? Il y a ce que ta poignée de main me dit et ce que tu perçois de ma poignée de main. Tu sondes mon humeur, tu devines ma disponibilité ou mon empressement.

Il arrive bien souvent qu’un médecin sente de quoi il va s’agir, bien avant que les patients n’ouvrent la bouche. Un regard fuyant, une poignée de main trop rapide, un pas pressé ou au contraire traînant...

Quand ce n’est pas carrément la grise mine ostentatoire et le jogging inhabituel qui nous informent sur le caractère contagieux d’une probable gastro. Elémentaire, mon cher Erickson !

Je t’accompagne jusqu’à mon bureau, nous nous asseyons, et l’accordage se poursuit, corporellement. Alors le langage entre dans la ronde. « Qu’est-ce qui vous amène ? », « Comment allez-vous ? », « Je vous écoute ». Chaque formulation est déjà une suggestion. « Que puis-je faire pour vous ? » suggère assez directement que je peux faire quelque chose et que je suppose que c’est ça qu’on vient chercher ici. Même un bienveillant « Je vous écoute » pourrait suggérer indirectement que je pourrais ne pas écouter… Mais la perfection n’est pas un attribut humain et on ne peut pas ne pas communiquer, alors faisons-nous confiance, et entrons dans l’arène. Une partie de moi pense sans doute à tout ça et un simple « Alors ?» fera l’affaire avec toi aujourd’hui. Suffisamment indirect. Permissif.

En bon retraité de l’Education Nationale, tu sors de ton cartable une petite liste des sujets que tu souhaitais aborder, inscrits au crayon de bois sur un bristol. C’est bien ! Tu as commencé le travail de fragmentation. Précieux outil ! Je te rejoins là où tu es, trie, hiérarchise avec toi. C’est ton style à toi. Mais il y en a tant d’autres : il y a les narratifs, les confus, les tatillons, les emphatiques, les visqueux, les alambiqués, les fanfarons, les timides, les grincheux…

Chacun son style. Tu préfères tout noter. Peur d’oublier. Comme ça tu te rappelles très bien de tout et de tout ce que tu oublieras. Tes fonctions mnémoniques sont parfois mises à l’épreuve quand tu viens ici, n’est-ce pas ? Et quand les mots disent, le corps continue son propre discours, plus ou moins accordé. Il y a là une richesse des informations qui va bien au-delà de la sémiologie que l’on m’a enseignée.

Ça ne ressemble pas vraiment à l’interrogatoire « policier » que l’on m’a appris. J’aime voir ce moment comme un moment de recueil d’informations. Il y a les infos qu’on va chercher, car il le faut, et celles que l’on garde quand même, même si c’est hors sujet. Les patients nous disent spontanément tellement de choses sur le contexte, leurs valeurs, leurs croyances, leurs résistances. Egalement sur leurs aptitudes, leurs orientations sensorielles, leur hypnotisabilité…

Quand j’y suis disponible, j’aime garnir – parfois copieusement – mon « plateau éricksonnien » lors de ce temps d’hypnodiagnostic. 
Les questions que l’on pose, lors de ce recueil d’informations, permettent d’explorer ces informations, mais également d’être déjà dans une approche thérapeutique. Les recadrages, les reformulations, la recherche des exceptions, la mise en récit, le travail avec les échelles… Il y aurait tant à faire, tant à penser ! Il y aurait presque de quoi être confus tant il y a à dire, à faire et à laisser faire dans ce tête-à-tête. Confus ? Vous avez dit confus ?



Edito du Dr Thierry Servillat. Historique !
Le congrès de Paris a été historique, c’est évident ! Déjà pour les praticiens français bien sûr, qui ont pu de nouveau vivre la joie de voir chez eux, quelques jours après un rapport INSERM favorable à leurs pratiques susciter une affluence record (c’est la première fois qu’un congrès d’hypnose mobilise plus de 2500 participants) et un retentissement médiatique considérable (et dans la très grande majorité des cas favorable lui aussi).

Les âges clandestins. Un réservoir de ressources. Dr Bruno Dubos
L’utilisation de la notion d’« âge clandestin » est devenue, en tout cas en France, un grand « classique » de l’hypnothérapie. Il était donc nécessaire qu’un de ses praticiens expérimentés en précise la pratique. Vive l’hypno-systémique ! J’ai rencontré les âges clandestins il y a quelques années, de façon fortuite, à la plage, assis sur le sable.
 

La consultation hypnotique. Hypnose en médecine générale
Par les Drs Morgan GODARD et Idrissa NDIAYE
Deux jeunes médecins généralistes récapitulent, sous la forme d’un monologue adressé à un patient, la place que l’hypnose a prise dans leur pratique quotidienne. Tiens, Michel, je vois ton nom sur le planning. Nous avons rendez-vous tout à l’heure. Je suis ton médecin depuis plusieurs années. On se fait confiance... J’ai une faveur à te demander : j’aimerais que tu m’aides à parler de quelque chose qui a germé dans ma tête depuis quelque temps.

Accroître la résilience. Dialogue entre hypnose et psychlogie positive. Pascale Haag
Le monde de l’hypnose commence depuis quelques années à s’intéresser à la psychologie positive. Lors d’une intervention remarquée lors du congrès de Paris, Pascal Haag a montré comment, pourtant, ces deux approches peuvent se fertiliser mutuellement. Comparée à l’hypnose, dont on peut faire remonter l’histoire au XVIIIe siècle en Europe, la psychologie positive, née deux siècles plus tard de l’autre côté de l’océan Atlantique, est encore presque une enfant.

L’hypnose et les tics. Un nouvelle proposition d’approche.  Constance Flamand-Roze
Pathologies socialement très handicapantes, les tics laissent bon nombre de praticiens très démunis. Comme dans beaucoup de ces troubles dits « fonctionnels », l’hypnose pourrait-elle, au moins, apporter un complément thérapeutique précieux ? L’histoire  d’Alexis. Alexis a 12 ans ; il a de bonnes notes au collège, et c’est un jeune garçon plutôt inhibé. Il est apprécié des professeurs pour son calme et sa discipline.

L’hypnose au Maroc. Rituels anciens et pratique moderne
Par Myriam NCIRI, article écrit avec le concours d'S.Housbane, M.Bennani Othmani et Z.Serhier, du Laboratoire d’informatique médicale, Faculté de Médecine et de Pharmacie de Casablanca (Maroc). Le Congrès de Paris a été l’occasion d’échanges interculturels intenses, et de travaux pour les susciter. La présentation de Myriam Nciri et de son équipe a été parmi les contributions les plus remarquées. Dans le cadre du 20ème congrès international d’hypnose sur le thème « Hypnose, Racines et Futur de la conscience », nous nous sommes interrogés sur la place de l’hypnose dans la pratique médicale marocaine.

Pourquoi la musique ? Dr Thierry Servillat
Après avoir abordé des sujets aussi différents que Socrate et la corrida, Francis Wolff, professeur de philosophie à l’Ecole Normale Supérieure - la fameuse Normale Sup - publie un livre sur un sujet qui lui tient très à coeur et qu’il étudie depuis des années : la musique. En posant une question qui peut paraître incongrue : pourquoi la musique ? Comme il se trouve que le monde de l’hypnose thérapeutique s’intéresse de plus en plus, après avoir privilégié l’intérêt pour le visuel, au sonore, à l’auditif, à la musique donc, ainsi qu’à la danse bien sûr, il paraît opportun de s’intéresser à cette somme de plus de 400 pages, denses mais claires, et surtout magistrales dans le bon sens du terme.

« Corrigez-moi si je me trompe ! » Quiproquo , malentendu et incommunicbilité. Dr Stefano Colombo
L’autre jour, j’allais en ville pour m’acheter… rien du tout. Je vagabondais dans les rues commerçantes. Mieux dit, dans les rues où il y a des commerces. Avez-vous déjà vu une rue qui commerce ?« Alors ? Tu l’achètes cette poubelle ou quoi ? Allez, je te fais un prix, qu’estce que tu proposes ? » Et le piéton, courbé en avant, les yeux rivés sur la bouche d’égout qui vient de lui parler, de répondre : « Mais je ne veux pas de poubelle, laisse-moi tranquille.

Une nouvelle définition internationale de l’hypnose ? Antoine Bioy
L’hypnose est en plein développement dans les pays hispaniques, avec d’intéressantes études portant, notamment pour l’Espagne, sur le travail de la suggestion, mais aussi autour des représentations de l’hypnose et ses incidences dans le domaine de la pratique clinique (Capafons et al, 2015). Plus habituelles, des recherches sur les effets de la méthode existent, comme celle, mexicaine, sur l’évaluation des effets de l’hypnothérapie sur la qualité de sommeil des patientes atteintes d’un cancer du sein.

Phénoménologie en soins palliatifs. Dr Guillaume Belouriez  
Dans le monde du soin, l’hypnose a regagné sa légitimité par son efficience et son utilisation comme « technique ». Il semble néanmoins nécessaire de replacer ce que l’on appelle « hypnose » comme une approche naturelle, physiologique, relationnelle, et même existentielle. L’hypnose et les soins palliatifs partagent un objectif commun: l’accompagnement. Rejoindre la personne là où elle se trouve pour l’accompagner dans la direction qu’elle souhaite.

Invitation aux échanges. Dr Dina Roberts
En sortant du Congrès Mondial d’Hypnose, je me réjouis de savoir que nous sommes si nombreux à avoir envie d’échanger sur notre pratique de l’hypnose. Si nous pouvons considérablement apprendre au sein de la communauté des praticiens de l’hypnose, il me semble toutefois intéressant de continuer à nourrir notre pratique par des échanges interdisciplinaires. Dans le cadre de ma thèse de médecine sur l’hypnose thérapeutique en psychiatrie, je me suis interrogée sur les particularités de l’hypnose médicale.

Comme tous les 2 ans, le Congrès Hypnose & Douleur, organisé par Emergences Rennes, ouvrira ses portes du 5 au 7 Mai 2016 à St Malo. 
L'occasion d'y retrouver bon nombre de professionnels de l'hypnose du monde entier...

Venue exceptionnelle de Dan Short à l'Institut Milton H. Erickson de Rezé les 8 et 9 Juillet 2016.

Venue exceptionnelle de Jacques-Antoine Malarewicz au Collège d'Hypnose & Thérapies Intégratives de Paris les 7 & 8 Mars 2016.




Rédigé le 05/01/2016 à 16:57 | Lu 3298 fois | 0 commentaire(s) modifié le 14/01/2016

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