Jusqu’en 2010, des études de neuro-imagerie ont permis d’identifier des régions du cerveau plus ou moins actives pendant les états de méditation et d’hypnose. Après cette date, le nombre d’études s’est considérablement accru, avec des méthodes et techniques de plus en plus sophistiquées, et centrées sur la connectivité de la fonction cérébrale.
Les découvertes permettent d’établir des ensembles d’unités fonctionnelles du cerveau aboutissant à l’émergence d’un niveau de cognition plus élevé des états de conscience. Ce chapitre dresse une revue non exhaustive de la littérature en neuroscience qui vient valider la phénoménologie de nos pratiques, et nous permet de mieux comprendre les enjeux futurs des études à venir.
HISTORIQUE DES RECHERCHES
Les travaux de recherche de neurosciences, et plus particulièrement sur le contrôle des émotions et leur régulation, ont pris un essor considérable. Il aura fallu surmonter une réticence initiale des scientifiques eu égard à la méditation, pratique trop liée au bouddhisme, avant même de chercher une validation par l’imagerie cérébrale. Dès les années 1980, Jon Kabat-Zinn laïcise la méditation et lui donne son ampleur au MIT en arguant de ses vertus thérapeutiques.
Quelques années plus tard, aux USA, Francisco Varela, Richard Davidson et Antoine Lutz étudient les effets de la méditation en prenant comme témoins des grands pratiquants, qui ne sont autres que les moines bouddhistes.
Les échelles de mesures de la pleine conscience ont été vite détrônées par l’imagerie cérébrale, particulièrement l’IRM fonctionnelle qui a permis des avancées patentes dans la compréhension et la validation des phénomènes observés. En 2001, on découvre que l’activité du cerveau ne s’arrête jamais, par la mise en évidence du réseau par défaut (le DMN), puis grâce aux études d’activation/désactivation de cette structure (Bruckner et al., 2008). Un certain nombre de méta-analyses émettent des conclusions sur les effets neuronaux de la méditation par l’ALE (estimation de vraisemblance d’activation) ; citons notamment celle de Boccia et al. (2015), mais surtout celles de Fox et al. (2014), puis Fox-Dixon et al. (2016), qui ont ouvert la compréhension de tout le fonctionnement du cerveau au cours de la méditation ; tout en les confrontant aux caractéristiques des réseaux cérébraux initialement décrits par Thompson et al. (2003).
Quatre phases au cours de la méditation de type FA sont ainsi mises en évidence : - le vagabondage ou l’errance de l’esprit : situé dans le réseau par défaut ou DMN ; - la prise de conscience de la distraction : situé dans le réseau de saillance ; - la réorientation de l’attention : situé dans le cortex préfrontal dorsolatéral ; - le maintien de la concentration : situé dans le cortex préfrontal dorsolatéral qui reste actif pour maintenir l’attention dirigée sur la respiration.
Nombre d’études ne prennent en compte que deux pratiques méditatives, FA (Focuse Attention) et l’OM (Open Mentoring attention), en raison de l’absence de convergence de résultats pour les autres. C’est pour ces mêmes raisons que Antoine Lutz ne retient en 2015, dans sa matrice phénoménolgique, que la FA et l’OM, en précisant que ces deux grandes catégories englobent déjà un large éventail de pratiques méditatives. Depuis la découverte du DMN (Gusnard et al., 2001), et grâce aux études de l’errance de l’esprit au cours de la méditation dans l’OM, on a pu étudier les implications dans l’hyperactivité avec déficit attentionnel, où typiquement la DMN ne se désactive pas dans la focalisation ou la réorientation de l’esprit (Lachaux, 2018).
Dans les études sur la dépression, la DMN est régulièrement trop activée. Progressivement vers 2015, les publications scientifiques de découvertes de neurosciences arrivent à la connaissance du grand public, qui apprend que la « mindfulness » peut améliorer le cerveau des méditants avec modification des télomérases, augmentation de la substance grise et de l’épaisseur du cortex, amélioration de la plasticité cérébrale, gestion des émotions, gestion du stress, prévention des rechutes dépressives, jusqu’à une amélioration de l’immunité. Des formations s’ouvrent à l’université, des centres de pratique grand public aussi. Ce n’est plus la phénoménologie mais l’imagerie des neurosciences qui apparaît comme le label scientifique. Mais les spécialistes de l’hypnose vont solliciter les chercheurs sur la question, ne voulant pas que la méditation occulte les bienfaits de l’hypnose.
En effet, certains neuroscientifiques et psychologues se montrent initialement sceptiques à l’égard de l’hypnose, estimant trop subjectifs les changements perceptifs observés chez les patients. Mais la recherche en neuro-imagerie leur démontre que ces changements sont aussi liés à des modifications observées dans les régions cérébrales concernées (Kosslyn et al., 2004 ; Demertzi et al., 2011-2015 ; McGeown et al., 2012), particulièrement dans la gestion de la douleur. Alors en 2015 des chercheurs se réunissent pour trouver des nouvelles directions de recherche et faire progresser la neuroscience cognitive et clinique de l’hypnose (Jensen, Jamieson, Lutz, Mazzoni et al., 2017). Avides de plus de partage des données, ils cherchent à orienter les recherches loin des études trop contrastées sur le modèle « état, non-état ».
La recherche en mindfulness ne peut plus se faire sans celle de l’hypnose et des études intéressantes tentent de comparer les deux techniques. Charles T. Tart (APA, San Francisco 2001) a préalablement déjà proposé dans une comparaison de retenir la méditation comme une forme d’autohypnose. Il pointe l’ambiguïté des termes dans l’exercice clinique car ce qui est souvent décrit comme hypnose peut être nommé méditation et inversement. C’est un des premiers psychologues qui tente la comparaison méditation/hypnose. William McGeown (2016) publie une méta-analyse des études de neuro-imagerie intégrant hypnose et méditation, par IRM fonctionnelle, tomographie par émission de positron, et par émission de photon. Pour lui, ces recherches ont abouti à déterminer à la fois l’activation ou non de centaines zones du cerveau, mais aussi la connectivité fonctionnelle FC entre les zones :
- Le réseau de contrôle exécutif (intégrant le cortex frontopariétal latéral gauche et droit, le cortex préfrontal dorsomédial).
- Le réseau de saillance (cortex fronto-insulaire et le cortex cingulaire antérieur) impliqué dans le filtrage sensoriel, et l’intégration, la douleur, l’interoception, le traitement émotionnel. -
Un troisième réseau DMN, ou réseau par défaut introspectif (cortex cingulaire postérieur, région parahippocampique, cortex préfrontal médial frontal, le précuneus). Le DMN est actif pendant la pensée autoréférentielle, la mémoire autobiographique, la planification future, la rêverie, et la cognition sociale.
Les découvertes permettent d’établir des ensembles d’unités fonctionnelles du cerveau aboutissant à l’émergence d’un niveau de cognition plus élevé des états de conscience. Ce chapitre dresse une revue non exhaustive de la littérature en neuroscience qui vient valider la phénoménologie de nos pratiques, et nous permet de mieux comprendre les enjeux futurs des études à venir.
HISTORIQUE DES RECHERCHES
Les travaux de recherche de neurosciences, et plus particulièrement sur le contrôle des émotions et leur régulation, ont pris un essor considérable. Il aura fallu surmonter une réticence initiale des scientifiques eu égard à la méditation, pratique trop liée au bouddhisme, avant même de chercher une validation par l’imagerie cérébrale. Dès les années 1980, Jon Kabat-Zinn laïcise la méditation et lui donne son ampleur au MIT en arguant de ses vertus thérapeutiques.
Quelques années plus tard, aux USA, Francisco Varela, Richard Davidson et Antoine Lutz étudient les effets de la méditation en prenant comme témoins des grands pratiquants, qui ne sont autres que les moines bouddhistes.
Les échelles de mesures de la pleine conscience ont été vite détrônées par l’imagerie cérébrale, particulièrement l’IRM fonctionnelle qui a permis des avancées patentes dans la compréhension et la validation des phénomènes observés. En 2001, on découvre que l’activité du cerveau ne s’arrête jamais, par la mise en évidence du réseau par défaut (le DMN), puis grâce aux études d’activation/désactivation de cette structure (Bruckner et al., 2008). Un certain nombre de méta-analyses émettent des conclusions sur les effets neuronaux de la méditation par l’ALE (estimation de vraisemblance d’activation) ; citons notamment celle de Boccia et al. (2015), mais surtout celles de Fox et al. (2014), puis Fox-Dixon et al. (2016), qui ont ouvert la compréhension de tout le fonctionnement du cerveau au cours de la méditation ; tout en les confrontant aux caractéristiques des réseaux cérébraux initialement décrits par Thompson et al. (2003).
Quatre phases au cours de la méditation de type FA sont ainsi mises en évidence : - le vagabondage ou l’errance de l’esprit : situé dans le réseau par défaut ou DMN ; - la prise de conscience de la distraction : situé dans le réseau de saillance ; - la réorientation de l’attention : situé dans le cortex préfrontal dorsolatéral ; - le maintien de la concentration : situé dans le cortex préfrontal dorsolatéral qui reste actif pour maintenir l’attention dirigée sur la respiration.
Nombre d’études ne prennent en compte que deux pratiques méditatives, FA (Focuse Attention) et l’OM (Open Mentoring attention), en raison de l’absence de convergence de résultats pour les autres. C’est pour ces mêmes raisons que Antoine Lutz ne retient en 2015, dans sa matrice phénoménolgique, que la FA et l’OM, en précisant que ces deux grandes catégories englobent déjà un large éventail de pratiques méditatives. Depuis la découverte du DMN (Gusnard et al., 2001), et grâce aux études de l’errance de l’esprit au cours de la méditation dans l’OM, on a pu étudier les implications dans l’hyperactivité avec déficit attentionnel, où typiquement la DMN ne se désactive pas dans la focalisation ou la réorientation de l’esprit (Lachaux, 2018).
Dans les études sur la dépression, la DMN est régulièrement trop activée. Progressivement vers 2015, les publications scientifiques de découvertes de neurosciences arrivent à la connaissance du grand public, qui apprend que la « mindfulness » peut améliorer le cerveau des méditants avec modification des télomérases, augmentation de la substance grise et de l’épaisseur du cortex, amélioration de la plasticité cérébrale, gestion des émotions, gestion du stress, prévention des rechutes dépressives, jusqu’à une amélioration de l’immunité. Des formations s’ouvrent à l’université, des centres de pratique grand public aussi. Ce n’est plus la phénoménologie mais l’imagerie des neurosciences qui apparaît comme le label scientifique. Mais les spécialistes de l’hypnose vont solliciter les chercheurs sur la question, ne voulant pas que la méditation occulte les bienfaits de l’hypnose.
En effet, certains neuroscientifiques et psychologues se montrent initialement sceptiques à l’égard de l’hypnose, estimant trop subjectifs les changements perceptifs observés chez les patients. Mais la recherche en neuro-imagerie leur démontre que ces changements sont aussi liés à des modifications observées dans les régions cérébrales concernées (Kosslyn et al., 2004 ; Demertzi et al., 2011-2015 ; McGeown et al., 2012), particulièrement dans la gestion de la douleur. Alors en 2015 des chercheurs se réunissent pour trouver des nouvelles directions de recherche et faire progresser la neuroscience cognitive et clinique de l’hypnose (Jensen, Jamieson, Lutz, Mazzoni et al., 2017). Avides de plus de partage des données, ils cherchent à orienter les recherches loin des études trop contrastées sur le modèle « état, non-état ».
La recherche en mindfulness ne peut plus se faire sans celle de l’hypnose et des études intéressantes tentent de comparer les deux techniques. Charles T. Tart (APA, San Francisco 2001) a préalablement déjà proposé dans une comparaison de retenir la méditation comme une forme d’autohypnose. Il pointe l’ambiguïté des termes dans l’exercice clinique car ce qui est souvent décrit comme hypnose peut être nommé méditation et inversement. C’est un des premiers psychologues qui tente la comparaison méditation/hypnose. William McGeown (2016) publie une méta-analyse des études de neuro-imagerie intégrant hypnose et méditation, par IRM fonctionnelle, tomographie par émission de positron, et par émission de photon. Pour lui, ces recherches ont abouti à déterminer à la fois l’activation ou non de centaines zones du cerveau, mais aussi la connectivité fonctionnelle FC entre les zones :
- Le réseau de contrôle exécutif (intégrant le cortex frontopariétal latéral gauche et droit, le cortex préfrontal dorsomédial).
- Le réseau de saillance (cortex fronto-insulaire et le cortex cingulaire antérieur) impliqué dans le filtrage sensoriel, et l’intégration, la douleur, l’interoception, le traitement émotionnel. -
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Dr Olivier DE PALÉZIEUX, Praticien hospitalier en médecine d’urgence. Certifié durant ses études en psychologie médicale, il s’est passionné pour la thérapie psychanalytique, initié par le professeur René Diatkine au centre Alfred-Binet à Paris. Son intérêt pour la relation thérapeutique ne l’a jamais quitté jusque dans le domaine de l’urgence. Membre de L’IRHYS (Suisse) et de l’AFEHM où il enseigne l’hypnose, il est consultant au centre Hypnosis à Paris, tout en poursuivant son activité d’urgence
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Revue Hypnose & Thérapies brèves n°57 version Papier
Achat du numéro 57 de la revue Hypnose & Thérapies Brèves en version papier
Prix TTC, frais de livraison compris pour la France métropolitaine.
Les frais de port seront ajustés automatiquement au cours de la commande pour tout achat hors France métropolitaine.
Lorsque la Version papier de ce numéro sera épuisée, la version PDF sera fournie à la place
N°57 Mai/Juin/Juillet 2020
- ÉDITORIAL : « Trouver une certaine sacralité de l’autre, humain et non-humain. » Aurélien Barrau. S. COHEN
- LA « BROSSOSPHÈRE ». G. BROSSEAU et A. FORTIN
- THÉRAPIES BRÈVES. W. MARTINEAU
- QI GONG ET HYPNOSE M. SÉJOURNÉ
- MÉDITATION ET HYPNOSE O. DE PALÉZIEUX
ESPACE : DOULEUR DOUCEUR
- Éditorial. H. BENSOUSSAN
- Adolescent mutique. S. COPEAU
- La lévitation en douleur chronique. A. BOUZINAC
DOSSIER : SE SENTIR VIDE
- Éditorial. D. VERGRIETE
- Vide, phobie et transe ordinaire J. BETBÈZE
- Creuser le vide S. LE PELLETIER-BEAUFOND
- Les vides. D. MEGGLÉ
- Vide et addictions. D. VERGRIETE
- QUI PROQUO, MALENTENDU ET. . .« Tout a une fin ! » S. COLOMBO, MUHUC
- Couvade en pays Dendi. C. LELOUTRE-GUIBERT
- Les Grands Entretiens: Elvira Lang. G. FITOUSSI
Livres en Bouche: H. BENSOUSSAN, C. GUILLOUX, L. BILLY, S. COHEN
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